L’épopée du métro fête ses 160 ans : Happy Tubeday !
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Si Londres est la première ville à se doter du métro en 1863, elle le doit à son avancée technologique et à sa taille. Pionnier de la Révolution industrielle, le Royaume-Uni comptabilisait alors le plus grand nombre de lignes de chemin de fer au monde, un savoir-faire qu’il eut l’idée futuriste d’expérimenter en souterrain. Par ailleurs, Londres était alors la ville la plus peuplée de la planète et la circulation dans son centre devenait chaotique. Assez logiquement, Messieurs les Anglais ont donc tiré les premiers, en imaginant un mode de transport sous le sol.
Au-delà des défis techniques, les réticences étaient vives à l’époque. D’instinct, le monde souterrain suscitait la méfiance, du fait des croyances ancestrales ou des craintes sanitaires. Parmi les militants favorables au métro, le politique et juriste Charles Pearson appartient à ces visionnaires qui sont venus à bout des résistances.
Le projet finalement acté, les ingénieurs font creuser des tunnels à ciel ouvert, sous les avenues londoniennes. Le premier tronçon, qui reliait deux stations, Bishop’s Road (Paddington aujourd’hui) à Farringdon Street, lance l’épopée du métro.
Le 10 janvier 1863, les voyageurs montent dans des rames tirées par des locomotives à vapeur, ce qui n’allait pas sans provoquer des problèmes de ventilation… Et ils seront rapidement 25 000 à emprunter ce nouveau mode de transport chaque jour. Grâce aux innovations, les Britanniques ont remplacé, dès les années 1890, la vapeur par la traction électrique. Officiellement Underground, ce premier métro est également appelé Tube dans le langage courant et reste l’un des plus étendus au monde (421 km de rails).
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Successivement, New York, Athènes, Chicago, Liverpool, Budapest, Glasgow, Boston, Vienne et Oslo se sont placées dans le sillage de Londres. Toutes ces métropoles aspiraient, elles aussi, à fluidifier la circulation en surface et à repenser la ville. Sans négliger la composante artistique, à l’instar de Vienne qui intègre des formes végétales dans les sous-sols de la ville impériale.
La patrie de Jules Verne, elle, tergiverse sur le sujet.
Après bien des débats sur l’esthétisme de la capitale et la nature de ses sols, Paris finit par emboiter le pas à son éternelle rivale d’outre-manche en 1898. A la tête du projet, Fulgence Bienvenüe. En l’espace de deux ans, le dessin sur papier traverse le sous-sol parisien. Une immense pagaille s’empare de la Ville Lumière dont les grandes avenues se retrouvent éventrées. La très chic Place de l’Opéra est trouée de toutes parts pour accueillir trois lignes de métro.
Le 19 juillet 1900 est ouverte la première ligne entre Porte Maillot et Porte de Vincennes à l’occasion de l’Exposition universelle. En ce jour de pleine canicule, les profondeurs permettent aussi de se rafraîchir.
Pour comprendre les enjeux liés à cette réalisation, la Bibliothèque nationale de France s’est offert une plongée au cœur des réserves historiques de la RATP à l’occasion d’un « Gallica part en Live ».
Les voyageurs découvrent la décoration de Guimard qui fixe à jamais les courbes de l’Art Nouveau dans l’ADN du métro de Paris. La libellule et les carreaux blancs biseautés seront les emblèmes identitaires du métro parisien, symboles de Paris au même titre que l’Arc de Triomphe ou la Tour Eiffel.
Les travaux de creusement nécessitent également d’assécher le canal Saint-Martin pour faire passer un tunnel sous son lit. Le pire obstacle reste la Seine dont les berges et le sous-sol s’avèrent trop meubles pour le passage de la ligne 4. Ingénieusement, on a l’idée d’injecter de la saumure pour percer le sol gelé.
À Paris, les locomotives tiraient à l’origine des wagons en bois. L’incendie du 10 août 1903, survenu entre les stations Belleville et Couronnes et tuant 84 personnes, a eu raison de ce matériau inflammable. Il a été remplacé par du métal. Première modification significative, bien d’autres suivront. Les rames sont passées par toutes les couleurs, la première classe a été supprimée et les lignes sont peu à peu automatisées. On compte aujourd’hui 14 lignes – avec deux lignes « secondaires », la 3bis et la 7bis –, 150 kilomètres de couloirs, 303 stations auxquelles il faut ajouter de nombreuses lignes de RER ou de Transilien.
L’histoire du métro va bientôt franchir une nouvelle étape grâce au projet du Grand Paris Express. Avec lui et ses quatre nouvelles lignes qui viendront s’ajouter au réseau historique, le nombre de kilomètres de métro en Île-de-France sera doublé. 160 ans après le métro londonien qui a entamé l’exploration souterraine, les travaux battent leur plein, de Palaiseau à Aulnay-sous-Bois, de Champs-sur-Marne à Sèvres, avec des technologies riches des expériences passées.
Le temps des tranchées qui éventrent les rues est révolu, ce sont désormais des tunneliers qui creusent les galeries des dizaines de mètres sous terre. 29 de ces trains-usines se sont relayés à ce jour dans le cadre de ce projet dont les travaux de génie civil ont débuté en 2016.
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Consultez ici la carte interactive du Grand Paris Express.
Les techniques de congélation des sols utilisées sous la Seine ont été perfectionnées : plutôt que de la saumure, c’est de l’azote qui est injecté dans le sol, à Aulnay-sous-Bois par exemple. Pour surveiller le passage des tunneliers, les mouvements du sol sont suivis grâce à des satellites : depuis l’espace, l’interférométrie radar contrôle les moindres variations en surface. Enfin, le BIM permet de s’immerger dès à présent de manière extrêmement fiable dans les ouvrages, encore en construction. Leur maintenance dans les années futures sera ainsi facilitée.
Avec les lignes 15, 16, 17 et 18 et le prolongement au nord et au sud de la ligne 14, le Grand Paris Express facilitera les déplacements de banlieue à banlieue, sans passer par Paris. Plus qu’un moyen de transport, il s’agit d’un véritable projet d’aménagement. Le métro parisien a accompagné l’extension de Paris, le nouveau métro sera la colonne vertébrale du Grand Paris. Il vise à limiter la consommation carbone en Île-de-France et à freiner l’étalement urbain qui artificialise les sols et nuit à la biodiversité. Intimement lié à la ville, il va multiplier les opportunités de repenser la ville à la lumière des défis du 21ème siècle. D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que le métro est un diminutif de métropolitain.