Les tunneliers du Grand Paris Express ont déjà creusé plus de 12,5 km. Le Grand Paris Express est une aventure souterraine qui s’écrit sur un temps long. Les géologues qui travaillent sur le nouveau métro se penchent sur des couches qui ont un âge de plusieurs dizaines de millions d’années (entre environ 30 et 65 millions d’années). Un voyage dans le sous-sol parisien que nous raconte Emmanuel Egal, expert géologue de la société Egis, pour qui « la géologie ne commande que partiellement le tracé, mais elle est systématiquement prise en compte ».
De quoi est composé le sous-sol du Grand Paris ?
Emmanuel Egal : On trouve tout d’abord des terrains de différentes natures, du sable, du calcaire, de l’argile, des marnes (mélange de l’argile et du calcaire) et du gypse. Ces dépôts se sont formés sur une durée « géologique » de dizaines de millions d’années qui paraît infinie à l’échelle de l’homme. Il y a même des fossiles sous-marins et des restes de coquillages dans le calcaire. Il faut dire que le flux et le reflux de la mer ou la modification des cours d’eau ont dessiné une géologie particulière.
Ce sous-sol est également marqué par la présence de nappes souterraines. Il faut en tenir compte pour la conception des ouvrages et ne pas perturber la circulation souterraine de l’eau à terme.
Enfin, au-delà de la géologie, il y a l’action passée de l’homme sur le monde souterrain. Il a modelé les sous-sols, s’y est approvisionné en pierres, y a construit des réseaux pour couvrir ses besoins. Et malgré un recensement très détaillé effectué par l’Inspection générale des carrières, toutes les carrières et galeries ne sont pas totalement reconnues à ce jour.
Comment connaît-on la composition du sous-sol ?
Emmanuel Egal : Le tunnelier est programmé pour traverser un certain type de terrains. En amont, après avoir pris connaissances du travail de géologie régionale réalisé au fil du temps et des éventuels retours d’expérience, on réalise des sondages géologiques, à l’aide de carottiers profondément enfoncés dans le sol et qui permettent de récupérer le terrain sous forme de « carottes de sondage ». C’est pour connaître au mieux ces terrains qu’on réalise ces études de reconnaissance. Mais on ne peut pas avoir de représentations exhaustives du sous-sol. On fait tout pour éviter que survienne l’aléa même s’il existe forcément. On ne connaîtra jamais complètement un terrain mais il faut essayer d’en dresser la représentation la plus complète.
Ces sondages ont-ils contribué à modifier le tracé initial ?
Emmanuel Egal : D’une manière générale, la géologie ne commande que partiellement le tracé, mais elle est systématiquement prise en compte. C’est l’une des contraintes avec lesquelles il faut composer. Il y en a d’autres, comme la présence de carrières souterraines. Les études du sous-sol sont donc essentielles : moins on connaît les terrains et plus on a des surprises, qui devront être gérées a posteriori, occasionnant des surcoûts et des retards. Le coût des sondages est très faible par rapport aux surcoûts éventuels pendant le creusement.
Ces sondages ont-ils contribué à modifier le tracé initial ?
Emmanuel Egal : D’une manière générale, la géologie ne commande que partiellement le tracé, mais elle est systématiquement prise en compte. C’est l’une des contraintes avec lesquelles il faut composer. Il y en a d’autres, comme la présence de carrières souterraines. Les études du sous-sol sont donc essentielles : moins on connaît les terrains et plus on a des surprises, qui devront être gérées a posteriori, occasionnant des surcoûts et des retards. Le coût des sondages est très faible par rapport aux surcoûts éventuels pendant le creusement.
Extraction de carottes avec un carottier
Extraction de carottes avec un carottier
© Société du Grand Paris / Claire-Lise Havet
Le sous-sol francilien est-il particulièrement complexe ?
Emmanuel Egal : La géométrie des couches est beaucoup moins complexe que dans les Alpes, par exemple. Mais l’enjeu géologique est sûrement plus complexe que celui du tunnel sous la Manche : là, une fois qu’on savait dans quelle couche creuser, on a eu affaire à une homogénéité des terrains traversés. Pour le Grand Paris Express, la profondeur de creusement varie en fonction des nombreuses gares qui jalonnent le parcours. Mais surtout nous devons composer avec un contexte urbain particulièrement dense ! A Paris, non seulement on dispose déjà d’un réseau de transports souterrain – ce qui nécessite de creuser plus profondément pour que les tunneliers passent dessous –, mais en plus, il convient de redoubler de précautions pour bien tenir compte du bâti en surface. Évidemment, sous la Manche, on n’avait pas ce souci…
Sondages réalisés à Palaiseau.
Sondages réalisés à Palaiseau.
© Société du Grand Paris / Claire-Lise Havet
Concrètement, quels sont les défis que peuvent rencontrer les tunneliers ?
Emmanuel Egal : Le sous-sol parisien est organisé en couches sédimentaires globalement horizontales mais elles sont cependant ondulées dans le détail. Et le tracé lui-même n’est pas horizontal puisque les gares sont un peu moins profondes que les voies. Le tunnelier ne peut donc pas suivre une couche donnée. Il est cependant conçu de telle manière à pouvoir toutes les traverser. Mais un « même » terrain est sujet à variations et change de comportement selon les vicissitudes de l’histoire géologique. Les terrains du sous-sol, y compris rocheux, s’altèrent en surface au contact de l’eau de pluie : le calcaire qui a servi à bâtir le Vieux Paris devient ainsi plus tendre et friable.
Autre défi à relever : même des ensembles cohérents peuvent perdre en hétérogénéité sous l’action de l’eau, par exemple. L’eau qui peut altérer les terrains de gypse. Ainsi, la circulation des eaux souterraines a pu dissoudre la roche, la rendre friable et ouvrir des cavités. C’est pourquoi, avant de creuser dans les terrains qui contiennent du gypse, il convient bien souvent de renforcer les terrains instables en injectant des coulis de béton dans le sol pour écarter tout risque.