Patrick est photographe documentariste et Villejuifois depuis cinq ans ; réalisateur en informatique musical, Jean vit à deux pas du chantier du nouveau métro depuis près de trois ans ; Renée-Noële habite le quartier depuis 50 ans. Ils font partie des vingt Villejuifois – dix femmes, dix hommes – tirés au sort par le conseil municipal des enfants de la ville au printemps dernier pour participer à des ateliers d’échange sur le devenir du quartier de gare Villejuif Louis-Aragon. Des âges, des métiers, des attentes et des lieux d’habitation différents mais tous participent pour la même raison : prendre part à la transformation de leur ville dans le cadre d’une étude lancée par la Société du Grand Paris en lien avec la RATP, et devenir acteur de la construction d’un territoire plus équilibré et plus écologique.

La concertation citoyenne, qu'est ce que c'est ? 

La gare Villejuif Louis-Aragon vue de l’intérieur

Et pour nourrir leurs réflexions, quoi de mieux qu’une visite du chantier de leur future gare ! Depuis un an, le génie civil est achevé. Les travaux d’aménagement et d’équipement ont pris la suite.

Curieux et impressionnés, nos visiteurs n’en oublient pas pour autant l’objectif de leur présence : « Il faut faire quelque chose de ce parking, personne ne l’utilise. Avec le nouveau métro, il sera encore moins occupé », alerte Françoise, une participante, en apercevant l’immense parking collé au chantier de la gare. « Est-ce qu’il y aura bien des ascenseurs ? » demande Renée-Noële avant de voir les espaces réservés à leur installation. « Quel sera le temps d’attente entre deux métros ? On est les uns sur les autres actuellement dans la ligne 7 », se plaint un riverain du chantier, rassuré par la réponse de Pierre-Julien Besse, adjoint au chef de projet secteur à la Société du Grand Paris, qui anime la visite : « 2 à 3 minutes d’attente maximum ! »

Une fois sur les quais du futur métro de la ligne 15, à 29 mètres de profondeur, les réactions divergent : « On n’imagine pas du tout ça d’en haut. C’est impressionnant ! », s’exclame Patrick. « On a quand même du mal à se projeter, il reste beaucoup à faire… », lui répond un autre participant, plus sceptique.

Des avis différents, sur quasiment tous les sujets, voilà tout l’intérêt de réunir ces femmes et ces hommes pour réfléchir collectivement au devenir du quartier de gare Villejuif Louis-Aragon !

Une concertation citoyenne qui porte ses fruits  

Logements, commerces, espaces verts, équipements… Pour guider les habitants dans ces réflexions, un architecte et un paysagiste des agences Michel Desvignes Paysagiste et Une Fabrique de la Ville animent une partie des ateliers qui se tiennent en mairie. Ces professionnels de l’aménagement présentent trois scénarios envisagés, maquettes à l’appui. Pour chacun de ces trois projets, il revient aux Villejuifois mobilisés d’identifier les avantages, les inconvénients et les pistes d’amélioration. En résumé : confronter ces scénarios à leur expertise d’habitants.

À l’issue d’un temps de réflexion, une personne par groupe rapporte les avis échangés : « la grande place sera trop bruyante », « il n’y a pas assez d’endroits où circuler et la signalétique n’est pas très visible », « il faut éloigner les nouveaux logements de la gare, les problèmes de sécurité persisteront autour de l’avenue de Stalingrad malgré ces nouveaux aménagements. »

Les discussions se poursuivent, parfois rugueuses. Certaines propositions apaisent toutefois les esprits : « On remarque facilement ici les interconnexions entre les mobilités, l’avenue Stalingrad sera plus apaisée. »

La séance est levée mais rendez-vous est aussitôt pris pour un prochain atelier en novembre, car les sujets mis sur la table sont nombreux, de la cohérence architecturale du quartier aux aménagements pour les vélos, sans oublier la programmation commerciale qu’on retrouvera dans la gare… Jean, Renée-Noële, Patrick et les autres auront là aussi voix au chapitre et feront valoir une fois encore leurs arguments, bien ancrés dans la réalité, et leurs réflexions sur les choix d’aménagement qui verront le jour autour de cette gare.

Amandine Taffoureau, cheffe du service démocratie locale et participative de la ville de Villejuif le sait bien, la démocratie locale se construit dans la durée : « Entre le lancement de la concertation et la restitution finale, cela prend environ un an. Nous avons constitué le panel citoyen il y a plusieurs mois déjà, en allant à la rencontre des habitants sur le terrain, en leur expliquant la démarche, nos besoins et leur force dans ce travail. On les tient informés des avancées du projet et des prochains rendez-vous. Chacun doit se sentir associé aux décisions, à leur construction et leur mise en œuvre, c’est un travail sur le temps long. »

Le temps est aussi au cœur de la vie du chantier. Dans deux ans, la gare Villejuif Louis-Aragon accueillera ses premiers voyageurs, elle changera radicalement leur quotidien ainsi que celui des riverains. Une révolution qui se poursuivra dans le dialogue. Après tout, le Grand Paris Express n’est-il pas le fruit du plus grand débat public organisé en Europe sur un projet d’infrastructure ?