Grand Paris Expériences, c’est un rendez-vous qui fait la part belle aux initiatives qui vont changer la ville et notre quotidien ! Et pour ce premier rendez-vous, on vous propose de s’intéresser aux quelque 220 millions de tonnes de terres générées par le secteur des travaux publics chaque année en France. Ces déblais sont le plus souvent acheminés jusqu’à des zones de stockage. Leur transport est coûteux, leur volume important et leur valorisation parfois impossible…
Heureusement, des alternatives existent. C’est la conviction de la Société du Grand Paris. Ainsi, à Aulnay-sous-Bois, 2 700 m³ de terre végétale recyclée sont arrivés le 14 février dernier sur le site du Centre d’exploitation des futures lignes 16 et 17. Traitées et livrées par la start-up Terre Utile, elles proviennent des chantiers du Grand Paris Express, sont composées de 80 à 100 % de matériaux recyclés et ont permis d’éviter plus de 13 tonnes d’émissions CO₂ grâce à la réduction des transports en camion. Elles sont destinées à aménager un bassin de rétention.
Quel est l'intérêt de cette initiative ?
Les projets d’aménagement urbain comprennent de plus en plus d’espaces verts composés de terre végétale. En Île-de-France, 1 à 2 millions de m³ de terres végétales sont ainsi vendus chaque année pour l’aménagement de ces espaces. Cette ressource représente les trente premiers centimètres du sol et met des centaines d’années pour se renouveler. La demande étant de plus en plus conséquente, et la matière de plus en plus rare, les aménageurs vont s’approvisionner de plus en plus loin, ce qui augmente le nombre de camions sur les routes et le coût de ces opérations.
Terre Utile entend proposer une alternative plus écologique pour préserver ces terres végétales naturelles. La solution : récupérer les terres issues des chantiers et les transformer en terre végétale, le tout en circuit court, au plus près des chantiers.
En permettant de sauvegarder la terre naturelle et de recréer de la biodiversité, Terre Utile s’impose comme l’un des pionniers de cette nouvelle économie circulaire.
2 700 m³
de terre végétale sont arrivées au Centre d'exploitation Aulnay
Pour aménager un bassin de rétention du Centre d’exploitation Aulnay, Guillaume Mizon, fondateur de l’entreprise, et ses équipes ont étroitement travaillé avec les entreprises de travaux pour préparer le type de terre attendu. Diagnostic du potentiel de valorisation, analyse de la qualité, apport de matériaux complémentaires, traitement et transfert de la terre, la start-up intervient à chaque étape de l’opération. Un suivi de l’évolution des terres est également prévu dès la mise en place de la végétation.
La plateforme d’Aulnay, sur laquelle le traitement des terres a eu lieu, est située à 1 km du bassin de rétention à aménager, un emplacement idéal pour limiter leur transport et assurer un meilleur suivi de la qualité des terres post-production.
13 tonnes
d'émissions CO₂ évitées grâce à la réduction des transports en camion
Guillaume Mizon, fondateur de Terre Utile et Thibaud Pointeau, ingénieur travaux chez Setec Bâtiment
© Société du Grand Paris / Julie Bourges
Toutes les terres peuvent-elles redevenir vivantes ? Le coût de ces opérations représente-t-il un frein ? Comment cette solution pourrait-elle se développer ?
La quasi-totalité des terres peut redevenir vivante. « Certaines nécessitent un traitement pour être transformées en terre végétale, mais pour beaucoup d’entre elles, la base est déjà saine, confie Guillaume Mizon. Lorsque des terres sont plus difficiles à traiter, on peut opter pour la sélection, cela permet d’arriver à un coût similaire à celui des terres végétales naturelles et à un résultat plus rapide. » Une solution qui permet d’éviter le prix de la transformation qui peut être un obstacle selon le budget alloué au projet.
Le coût varie selon le volume demandé et dépend des durées de transport. D’où l’idée de privilégier des sites proches des lieux de traitement. L’entreprise veut maintenant élargir son spectre d’intervention : « Pour pouvoir atteindre un modèle économique circulaire et vertueux, il est nécessaire que les volumes augmentent. C’est essentiel pour la durabilité et la rentabilité de cette forme de revalorisation. » Pour cela, Guillaume Mizon compte sur les bénéfices environnementaux de son projet : zéro envoi en décharge, zéro décapage de terre naturelle, baisse des émissions carbone.
Peut-on imaginer une généralisation de cette expérimentation ?
À Aulnay-sous-Bois, le projet d’aménagement d’un bassin de rétention est à ce stade un projet d’expérimentation initié par la Société du Grand Paris. Après avoir désigné l’entreprise Terre Utile comme lauréat de l’appel à projets « Grand Paris de l’Environnement », la Société du Grand Paris a demandé à la start-up de bâtir une filière spécifique pour le traitement des terres afin de démontrer la faisabilité technique et financière d’une telle initiative. L’objectif : l’inscrire dans le temps et dans les pratiques. Les terres des chantiers du Grand Paris Express représentent une ressource idéale pour ce type d’opération. À 98 % non polluées, elles sont toutes suivies et analysées.
© Société du Grand Paris / Julie Bourges
D’ores et déjà, les expérimentations se multiplient avec le même objectif : réutiliser les terres du BTP au service de l’environnement. L’entreprise Valorhiz propose notamment la solution « TerraGenese » qui consiste à reconstituer de la terre végétale pour des projets d’aménagement nécessitant un support de culture (fosse de plantation, parc urbain, agriculture urbaine…) grâce à des déblais stériles et des sources de matières organiques contrôlées et issues de l’économie circulaire. En ajoutant des micro-organismes, le substrat créé est activé biologiquement et peut être utilisé dans une démarche d’écoconception.
L’île de Nantes mène également depuis plusieurs mois une expérimentation à échelle locale pour réutiliser les terres des travaux de construction.
Demain, les particuliers pourraient même disposer de ces terres végétales provenant des chantiers. Une vraie demande existe pour des petits volumes mais les entreprises dans ce domaine ne sont pas encore présentes sur ce marché.
La revalorisation des terres excavées peut prendre des formes variées et de nombreux enjeux scientifiques et techniques restent encore à investiguer… Guillaume Mizon reste confiant et compte sur l’ensemble des acteurs de l’aménagement pour faire évoluer les pratiques du monde des travaux publics : « Plus nous serons nombreux à être impliqués dans cette démarche, plus la pratique se développera. »