Les premiers rails de la ligne 16 sont « bas carbone »
- Ligne 16
© Société du Grand Paris / Gérard Rollando
© Société du Grand Paris / Gérard Rollando
Du poids d’une Clio (une tonne) et long de 18 mètres, le premier des rails de la ligne 16 a été posé sur le chantier de l’ouvrage Finot. Et pas n’importe quel rail. Il marque un jalon supplémentaire dans la politique anti-carbone initiée par la Société du Grand Paris.
« Il y a huit mois, nous avons pris l’engagement de diminuer d’au moins 25 % nos émissions de gaz à effet de serre liées à la construction du nouveau métro », rappelle Marie Bourdon, cheffe de projet innovation et stratégie environnementale au sein de l’établissement public qui pilote le Grand Paris Express. Parmi les principales sources d’émissions de CO2 figurent le béton et l’acier. Pour le béton, la Société du Grand Paris a déjà incité les maîtres d’œuvre et les entreprises à se lancer dans le béton bas carbone (-40 % d’émissions de carbone par rapport à un béton traditionnel), voire ultra bas carbone (-70 % d’émissions de carbone par rapport à un béton traditionnel, en cours d’expérimentation sur la ligne 18) et le béton fibré (moins consommateur en acier que le béton armé) pour la fabrication des voussoirs. Résultat, 90 % des bétons utilisés sur les chantiers du nouveau métro étaient bas carbone à la fin de l’année 2021. Une fois ces innovations liées au creusement du tunnel déployées, la même question s’est posée à propos des rails : comment limiter là aussi les émissions de carbone ?
Traditionnellement, l’acier des rails est fabriqué dans des hauts fourneaux, à partir d’un alliage de minerai de fer et de charbon. La matière alors obtenue est la fonte. « Mais la fonte est fragile, une fragilité qui vient d’une trop grande quantité de carbone, relève François Cristofari, directeur technique chez Saarstahl Rail. Un train ne pourrait pas rouler sur un rail en fonte. Pour obtenir de l’acier, il faut nécessairement enlever le carbone de la fonte, libérant ainsi du CO2 dans l’atmosphère ».
Réception des rails à l'ouvrage Finot
Réception des rails à l'ouvrage Finot
© Société du Grand Paris / Gérard Rollando
A côté de ce circuit classique pour fabriquer l’acier, il existe une autre voie, basée sur le recyclage de la ferraille. De vieux rails ou des carcasses d’automobiles sont placés dans un four à arc électrique où le courant électrique, très puissant, fait fondre l’acier de manière à en faire des rails. On obtient alors de l'acier bas carbone, terme qui fait référence aux faibles émissions de CO2 générées lors de sa fabrication. « Outre l’économie de carbone, ce système fonctionne grâce à une boucle circulaire, précise François Cristofari. D’autant que la ferraille est locale, elle vient du nord-est de la France ou de Belgique, à proximité de l’aciérie Saarstahl Ascoval située à Saint-Saulve, à côté de Valenciennes, où cet acier recyclé est produit. » La fabrication de ces rails, elle, a lieu en Moselle, depuis le laminoir à rail d’Hayange (Saarstahl Rail).
Cet acier recyclé était déjà utilisé en France mais pas pour les rails. La technique n’était pas encore au point. Par un savant mélange de tri des ferrailles et de métallurgie contrôlée, les impuretés dans l’acier ont été neutralisées pour se conformer à la norme européenne. Et finalement, l’aciériste Saarstahl Ascoval a livré en décembre 2020 à SNCF les premiers rails européens dont l’acier sortait de fours à arc électrique. Une innovation à laquelle la Société du Grand Paris s’est rapidement intéressée. Et pour cause : ce procédé permet d’émettre 60 à 90% de CO2 en moins (-1,4 tonne de CO2 par tonne de rails livrée sur le chantier). Ce modèle est d’autant plus pertinent qu’en France, la production d’électricité est largement décarbonée grâce aux énergies renouvelables et au nucléaire. Ce gain de carbone serait bien moindre dans un pays où l’électricité émanerait de l’énergie fossile.
Demeurait un défi économique. « Aujourd’hui, l’acier issu d’une voie recyclable coûte plus cher que celui d’une voie classique », souligne François Cristofari. Pour lever ce frein, la Société du Grand Paris verse 100€ pour chaque tonne de CO2 économisé. Plus le gain en CO2 est important et plus l’aide accordée est conséquente. Les entreprises sont ainsi incitées à proposer des solutions techniques, logistiques, etc. qui permettent de réduire le carbone. « Sans ce soutien financier, je pense que toute la chaîne des rails n’aurait pas pu suivre », estime François Cristofari.
Et voilà comment ces premiers rails bas carbone sont arrivés depuis le laminoir Saarstahl Rail d’Hayange, en Moselle, jusqu’à l’ouvrage Finot sur la ligne 16, en Seine-Saint-Denis. Ce n’est qu’un début puisqu’ils seront également posés sur trois lots de la ligne 15 Sud et un de la 17. Environ 13 700 tonnes de CO2 évitées grâce à un investissement supplémentaire de 1,5 million d’euros pour la Société du Grand Paris. Et peut-être davantage puisque d’autres marchés doivent être attribués.
Réception des rails bas carbone à l'ouvrage Finot
Réception des rails bas carbone à l'ouvrage Finot
© Société du Grand Paris / Gérard Rollando