Forêt de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt : le Grand Paris Express y plante sa graine
© Société du Grand Paris / Claire-Lise Havet
© Société du Grand Paris / Claire-Lise Havet
C’est un projet rare et enthousiasmant qui pousse à bas bruit dans le Val-d’Oise. Ce n’est pas tous les jours que l’on crée une forêt de toutes pièces. Pas un simple bois, mais une vraie forêt de 1340 ha (le bois de Vincennes et bois de Boulogne représentent ensemble 1 800 ha), répartie sur sept communes. « De par son ampleur : ce projet est unique en France », confirme Stéphanie Dagniaux, chef de projet au Syndicat mixte d’aménagement de la Plaine Pierrelaye-Bessancourt, regroupant les collectivités à l’initiative de cette création.
La création de la forêt de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt est l’histoire de la rencontre entre deux desseins. Mis à l’étude par le préfet du Val-d'Oise, un premier projet de forêt a rencontré un autre projet, celui du Grand Paris. Lors du conseil des ministres du 6 avril 2011, la forêt de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt est officiellement intégrée dans le projet du Grand Paris : « la nouvelle forêt contribuera à faire du Grand Paris un modèle de métropole durable, et participera à la lutte contre le réchauffement climatique. Elle constituera un maillon de la ceinture verte de l’Île-de-France entre les forêts domaniales de Saint-Germain-en-Laye et de Montmorency. »
Parmi les contributeurs figure la Société du Grand Paris qui finance les plantations de plusieurs parcelles (de 35 ha au total) au titre de ses compensations forestières. Construit essentiellement en souterrain, le Grand Paris Express a pour ambition de limiter au maximum son impact sur les milieux naturels. Mais des interventions de défrichement restent nécessaires, notamment pour implanter certaines gares et ouvrages de service le long du tracé. Des mesures de compensation sont alors déployées, avec une obligation précise que la Société du Grand Paris s’engage à respecter : pour 1 ha² de surface boisée coupée, au moins 3 ha² sont replantées. C’est ainsi que le nouveau métro participe à l’aventure forestière de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.
Ici, le terrain n’est pas creusé par les tunneliers mais par les mulots. La paille jaune jonchant le sol rappelle qu’il s’agissait à l’origine d’un champ de blé, encore récolté l’été dernier. Pendant des décennies, des eaux usées, chargées en matières organiques et en nutriments, ont été épandues à titre d’engrais pour doper les cultures. Une pratique interdite depuis la loi sur l’eau de 1992, mais ces terres, désormais polluées en métaux lourds, sont devenues impropres à produire de l’alimentation humaine. Jusqu’à récemment, elles ont servi à fabriquer du biocarburant avant de se chercher une nouvelle vocation. C’est dans cette plaine fragilisée par un siècle d’agriculture intensive et colonisée par des occupations illégales qu’un million de plants d’arbres sont peu à peu mis en terre.
Dès 8h du matin, les ouvriers s’activent, sous le regard du maître d’œuvre, l’Office national des forêts (ONF), pour mettre les plants en terre. Dépassant à peine, ils ne mesurent qu’une quinzaine de centimètres. « Ils n’ont qu’un à trois ans car plus les plants sont grands, plus ils ressentent le stress de l’arrachage et de l’installation sur une parcelle », explique Joseph Passot de l’ONF. Tout frêles, ils ont besoin d’un « coup de pouce » pour se protéger. C’est pourquoi le petit arbre est positionné au centre du paillage, une sorte de tapis qui l’empêche d’être submergé par la végétation et maintient une fraîcheur pendant les périodes de sécheresse. Ce n’est pas tout, un grillage les protège aussi de la voracité des lapins, attirés par le sucre dont les bourgeons regorgent. Tout cela est installé à une cadence élevée, la vingtaine d’ouvriers peut planter jusqu’à 800 plants par jour. Une urgence qui se justifie par l’hiver, la seule saison possible pour de telles plantations. Il faut que les arbres cessent de pousser lorsqu’ils sont extraits du sol de la pépinière. Placés soit en jauge dans du sable soit « au frigo », sans lumière et hors sol, ils peuvent rester les racines à l’air quelques semaines avant d’être replantés ici. Tout le processus doit être achevé avant le frémissement du printemps.
D’autant que l’hiver a tendance à raccourcir avec le réchauffement climatique. Ce bouleversement a d’ailleurs dicté le choix des essences plantées. « On s’est projeté dans 50-100 ans pour savoir lesquelles seront encore adaptées au climat futur dans notre région selon les scénarios du GIEC », poursuit Joseph Passot. Les hêtres par exemple vivront mal ce réchauffement, tandis que les châtaigniers, qui semblent adaptés à l’évolution du climat, souffrent d’une maladie en Île-de-France. Confrontée aux périodes de sécheresse, la forêt française n’est pas en grande forme. Le meilleur remède ? Ne pas composer de forêts monospécifiques, ce qui les rend vulnérables. C’est ainsi que le chêne sessile, pubescent et chevelu voisineront avec de l’érable plane ou champêtre, des fruitiers forestiers (merisiers, alisiers, cormiers, etc.) pour peupler les parcelles dédiées aux mesures de compensation forestière du Grand Paris Express.
Les plants sont positionnés au centre d'un paillage et entourés d'un grillage.
Les plants sont positionnés au centre d'un paillage et entourés d'un grillage.
© Société du Grand Paris / Claire-Lise Havet
La forêt ne sera mature que dans plusieurs décennies. Comme le Grand Paris Express, il s’agit d’un travail de longue haleine, étalé sur le temps long et qui profitera d’abord aux actuelles jeunes générations. Donnons-nous rendez-vous dans 30 ans pour une promenade dans ses sous-bois. Ces actuels champs à perte de vue seront devenus un nouveau poumon vert, reliant la forêt de Montmorency à celle de Saint-Germain-en-Laye. En ce milieu de siècle, le Grand Paris Express sera en rythme de croisière, métro et forêt se rejoignant dans un même combat : celui de la lutte contre le réchauffement climatique.
Stéphanie Dagniaux, chef de projet au SMAPP, avec Joseph Passot, chef de projet à l'ONF
Stéphanie Dagniaux, chef de projet au SMAPP, avec Joseph Passot, chef de projet à l'ONF
© Société du Grand Paris / Claire-Lise Havet